Il arrive souvent que, en conflit avec un client ou un fournisseur, une entreprise hésite à se lancer dans une procédure pouvant lui faire perdre définitivement le lien privilégié établi avec ce client ou ce fournisseur, avec des conséquences plus graves que le seul intérêt du litige . La même difficulté se présente lorsque l’on a affaire à un conflit entre un donneur d’ordre habituel et un sous-traitant, à une dispute entre associés égalitaires ou de référence dans une structure, à un partenariat industriel où l’expertise et les brevets de l’un ne peuvent trouver leur exploitation optimale qu’avec l’expertise et les brevets de l’autre, etc…
Dans cette situation, l’entreprise concernée peut alors être tentée de ne rien faire et ainsi de laisser s’installer un climat de plus en plus délétère, ou de chercher par des voies parallèles des compensations qui ajouteront à la difficulté sans la résoudre, ou encore de se faire justice à elle-même en adoptant des comportements de rupture.
La médiation est alors une voie qui peut être opportunément explorée, selon les définitions et processus ci-après décrits.
La médiation est juridictionnelle lorsque le médiateur est désigné dans le cours d’une procédure judiciaire oui administrative par le juge, sur accord préalable des parties (le juge ne peut jamais imposer une médiation aux parties en litige devant lui). Elle est conventionnelle lorsque les parties, déjà opposées ou non dans le cadre d’une procédure, choisissent par convention de recourir à la médiation et désignent un médiateur.
Dans ce mode dit alternatif de solution des conflits, le médiateur n’est pas appelé à prendre une décision exécutoire ni à imposer quoi que ce soit aux parties. Il n’est ni un juge tranchant le litige par un jugement, ni un arbitre rendant une sentence. Il n’est pas non plus un conciliateur désigné par une partie pour, dans le cadre d’une négociation-confrontation avec le conciliateur désigné par l’autre partie, rechercher une conciliation des intérêts contraires.
Le médiateur a pour seul objectif de rapprocher les parties et les amener à conclure un accord construisant une solution. Ses seules armes sont l’écoute, la psychologie, l’analyse des motivations, la capacité à construire et à se projeter dans le futur, sa connaissance du monde des affaires, l’autorité morale enfin. Pour conduire la médiation, il a toute liberté quant au tempo, à l’organisation des réunions, au choix des participants, à la définition des points de discussion, à l’esquisse des solutions. Il peut entendre les parties ensemble ou séparément, avec des tiers ou hors la présence de tiers, au siège ou au domicile de l’une des parties, en ses bureaux ou dans un lieu totalement étranger. Il peut demander communication de tous documents, sans jamais pouvoir rien exiger, consulter auprès de tiers pour parfaite son information. Il n’a pas à rendre compte de ce qu’il fait ou s’abstient de faire. Sa seule obligation est de mettre en œuvre, de façon parfaitement indépendante, tout ce qui doit être mis en œuvre pour tenter de parvenir à une solution.
Le médiateur doit avoir trois qualités. D’abord, il doit avoir été formé au processus de médiation : même s’il n’existe pas une procédure de médiation, il y a des techniques, des modes opératoires, des précautions, des principes à respecter. Ensuite, il doit être totalement indépendant des parties, des tiers industriels ou commerciaux dont le comportement pourrait peser sur le comportement des parties et de tous les intervenants à la procédure juridictionnelle si elle est déjà engagée. Enfin, il doit avoir la volonté d’aboutir. Toutes les autres qualités sont induites.
Devant le médiateur, les parties n’ont pas d’obligations spécifiques. Si elles veulent trouver une solution, il leur appartient de mettre en œuvre ce qui est nécessaire à cet égard. Dans le cas contraire, la médiation est peine perdue et il est préférable qu’elles abandonnent. Chaque partie communique avec le médiateur dans les conditions qu’elle choisit, par les personnes de son choix, avec l’assistance ou hors l’assistance de ses Conseils selon ce qu’elle décide, en délivrant tous documents de son choix. Elle peut répondre à une question ou à une demande de documents du médiateur comme elle peut très bien, sans encourir la moindre sanction, refuser d’y répondre. Elle peut communiquer au médiateur tout ce qu’elle souhaite, y compris les éléments qui n’ont donné lieu à aucune demande particulière du médiateur, en tenant l’autre partie dûment informée ou en s’abstenant de respecter cette transparence : le principe du contradictoire, fondamental dans une procédure juridictionnelle ou dans une procédure d’arbitrage, n’est pas applicable à la médiation et n’a d’ailleurs en lui-même aucune utilité dans le processus de médiation.
La procédure de médiation est soumise en revanche au principe de la confidentialité. Tout ce qui se dit, s’écrit, se communique pendant une médiation, entre les parties ou entre une partie et le médiateur, est strictement confidentiel. Il en résulte en particulier que le médiateur ne peut communiquer à une partie le document ou l’information qu’il a reçu de l’autre partie si celle-ci n’est pas d’accord et qu’une partie a l’interdiction de faire état directement ou indirectement, en dehors du processus de médiation, de l’information ou du document qu’elle tient de l’autre partie ou du médiateur. La confidentialité s’applique quel que soit le mode de représentation de chaque partie (représentant légal, mandataire spécial), à chaque partie et à tous les Conseils que les parties peuvent faire intervenir. Elle s’applique également à d’éventuels consultants qu’une partie ferait intervenir au processus de médiation ou que le médiateur souhaiterait consulter.
Le processus de médiation débouche soit sur un échec, soit sur une solution. L’échec ne peut être reproché à l’une des parties et il serait vain par exemple que l’autre partie, dans le cadre d’une procédure juridictionnelle, lui impute cet échec. L’échec d’un processus de médiation ne peut jamais être imputé à faute de qui que ce soit. La solution du processus de médiation peut être soit un accord transactionnel stricto sensu, c’est-à-dire un accord mettant fin à tout ou partie du différend existant entre les parties avant le démarrage du processus, soit un accord plus global incluant à la fois un accord transactionnel et un accord commercial ou industriel.
La rémunération du médiateur est supportée par les parties dans les conditions qu’elles ont convenues entre elles avant le démarrage du processus de médiation, ce qui autorise non seulement un partage égalitaire mais aussi toute autre répartition, y compris une prise en charge exclusive par l’une des parties.
Le rôle de l’avocat dans une médiation est fondamental. D’abord, par son assistance du client tout au long du processus de médiation, il peut, à travers ses conseils, enrichir la réflexion de celui-ci sur les risques attachés à un échec de la médiation ou au contraire les intérêts pouvant résulter d’une solution, sur les solutions envisageables, sur les contraintes juridiques. Ensuite, il est un interlocuteur incontournable du médiateur dans l’exploration des voies permettant d’atteindre une solution. Ensuite encore, en permettant entre les avocats des échanges statutairement couverts par le secret professionnel, il renforce le principe de confidentialité qui doit être observé dans le processus de médiation tout en facilitant une densification des échanges : alors qu’une partie peut avoir des réticences à communiquer à l’autre partie un document essentiel, lesdites réticences seront bien moindres, voire disparaitront, si le même document est communiqué exclusivement entre avocats. Enfin, c’est aux avocats qu’il appartient in fine d’établir le texte, souvent très dense et complexe, de l’accord intervenu entre les parties.