Dans un arrêt du 7 novembre 2013, la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) donne des précisions très importantes sur le libre choix de l’avocat par une personne bénéficiant d’une assurance de protection juridique .
La directive 87/344/CEE du Conseil, en date du 22 juin 1987, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant l’assurance-protection juridique, énonce dans son exposé « que l’intérêt de l’assuré en protection juridique implique que ce dernier puisse choisir lui-même son avocat ou toute autre personne ayant les qualifications admises par la loi nationale dans le cadre de toute procédure judiciaire ou administrative et chaque fois que surgit un conflit d’intérêt ».
L’article 1er dispose que cette directive a pour objet « la coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant l’assurance-protection juridique […], afin de faciliter l’exercice effectif de la liberté d’établissement et d’écarter le plus possible tout conflit d’intérêts surgissant notamment du fait que l’assureur couvre un autre assuré ou qu’il couvre l’assuré à la fois en protection juridique et pour une autre branche […] et, si un tel conflit apparaît, d’en rendre possible la solution ».
L’article 2, dans son paragraphe 1, définit l’assurance-protection juridique comme suit : « celle-ci consiste à souscrire, moyennant le paiement d’une prime, l’engagement de prendre en charge des frais de procédure judiciaire et de fournir d’autres services découlant de la couverture d’assurance, notamment en vue de récupérer le dommage subi par l’assuré, à l’amiable ou dans une procédure civile ou pénale, ou défendre ou représenter l’assuré dans une procédure civile, pénale, administrative ou autre, ou contre une réclamation dont il est l’objet ».
L’article 5, paragraphe 1, qui est celui ayant fait l’objet de l’interprétation par l’arrêt ici commenté du 7 novembre 2013, dispose :
« Tout contrat de protection juridique reconnaît explicitement que :
a) Lorsqu’il est fait appel à un avocat ou à toute autre personne ayant les qualifications admises par la loi nationale, pour défendre, représenter ou servir les intérêts de l’assuré, dans toute procédure judiciaire ou administrative, l’assuré a la liberté de le choisir ;
b) L’assuré a la liberté de choisir un avocat ou, s’il le préfère et dans la mesure où la loi nationale le permet, toute autre personne ayant les qualifications nécessaires, pour servir ses intérêts chaque fois que surgit un conflit d’intérêts. »
Monsieur SNELLER, citoyen de nationalité hollandaise, avait souscrit une assurance-protection juridique auprès de la compagnie REAAL SCHADEVERZEKERINGEN NV. Le contrat désignait la société DAS pour la mise en œuvre de la couverture de la protection juridique et prévoyait que les affaires seraient traitées par les propres collaborateurs de la société DAS.
Souhaitant intenter une procédure juridictionnelle à l’encontre de son ancien employeur pour lui réclamer des dommages et intérêts basés sur un licenciement prétendument abusif, Monsieur SNELLER indique à la société DAS, d’une part, qu’il veut mettre en œuvre le contrat d’assurance et introduire la procédure susvisée, d’autre part, qu’il entend se faire assister par un avocat de son choix. La société DAS marque son accord sur l’introduction de cette procédure mais réplique que le contrat conclu ne prévoit pas la prise en charge des frais d’assistance juridique par un avocat choisi par l’assuré et qu’elle est prête, quant à elle, à assurer elle-même l’assistance juridique de Monsieur SNELLER par l’un de ses propres collaborateurs qui n’est pas un avocat.
Le premier juge saisi donne raison à la société DAS aux termes d’un jugement du 8 mars 2011. La Cour d’appel d’AMSTERDAM, par arrêt du 26 juillet 2011, confirme ce jugement. Monsieur SNELLER se pourvoit devant la Cour suprême du Royaume des Pays-Bas. Cette dernière sursoit à statuer et pose à la CJUE deux questions :
- si le contrat d’assurance-protection juridique prévoit que les coûts d’assistance juridique d’un avocat ou d’un représentant choisis librement par l’assuré sont couverts uniquement si l’assureur estime que le traitement de l’affaire doit être déléguée à un Conseil externe, cela est-il autorisé par la directive 87/344 ?
- la réponse à la première question est-elle différente lorsque, pour la procédure judiciaire ou administrative en cause, ce qui est le cas en l’espèce, l’assistance juridique est ou non obligatoire ?
Sur la première question, la CJUE, par son arrêt ici commenté du 7 novembre 2013, dit clairement que la directive 87/344 « s’oppose à ce qu’un assureur de la protection juridique, qui prévoit dans ses contrats d’assurance que l’assistance juridique est en principe assurée par ses collaborateurs, prévoie également que les coûts d’assistance juridique d’un avocat ou d’un représentant choisi librement par le preneur d’assurance ne sont susceptibles d’être pris en charge que si l’assureur estime que le traitement de l’affaire doit être délégué à un conseil externe ».
Autrement dit, toute clause du contrat d’assurance conditionnant la prise en charge des coûts de l’assistance d’un avocat ou d’un conseil choisis librement par l’assuré à une appréciation de l’assureur sur la nécessité de recourir à un conseil externe, est inopposable et, dans tous les cas de figure, ces coûts doivent être supportés par l’assureur.
A la deuxième question, la CJUE dit clairement que le caractère obligatoire ou non de l’assistance juridique en vertu du droit national dans la procédure judiciaire ou administrative en cause ne change rien à l’affaire.
Il reste quand même que l’assureur, tout en restant dans des stipulations raisonnables, peut limiter quantitativement les coûts pris en charge.